mercredi 5 mai 2010

Amour en Amérique



Les premiers instants, touchants, d'une Histoire d'Amour, frémissante, égalitaire, spontanée, pure, quelque part en discoteca ou autre tripôt d'une capitale régionale d Amérique dite, du Sud

L’amour (en Amérique du Nord comme Latine) est menacé de toute part ; sur sa gauche, par le libertinage qui le réduit aux variations sur le thème du sexe, et sur sa droite, par la conception libérale qui le subordonne au contrat. C’est sur l’amour que se concentrent les offensives ruineuses et conjointes des libéraux et des libertaires. Les premiers soutiennent les droits de l’individu démocratique à la jouissance sous toutes ses formes sans voir que dans un monde réglé par la dictature marchande, ils servent de fourriers à la pornographie, qui est l’un des plus importantes marchés planétaires. Les seconds voient l’amour comme un contrat entre deux individus libres et égaux, ce qui revient à se demander si les avantages qu’en tirent l’un balance équitablement ceux qu’en tire l’autre. Dans tous les cas, on reste interne à la doctrine selon laquelle tout ce qui existe relève de l’arbitrage entre des intérêts individuels ; la seule différence entre les libertaires et les libéraux qui valident comme norme unique la satisfaction des individus, est le recours des premiers aux désirs, contre le recours des seconds à la demande.

On soutiendra, contre cette vision des choses, que l’amour commence au delà du désir et de la demande, que cependant il enveloppe. Il est examen du monde du point de vue du deux, en sorte que l’individu n’est aucunement son territoire. L’amour est violent, irresponsable et créateur. Sa durée est irréductible à celle des satisfactions privées. Il crée une pensée neuve dont le contenu unifié porte sur la disjonction et ses conséquences.


Alain Badiou, Boudiou, Bah, dis...

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